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L'enseignement de l'improvisation libre

 

Mémoire écrit au CEFEDEM Rhône-Alpes

 

Dans de nombreux conservatoires sont proposés des ateliers de musique improvisée et l'on peut suivre des stages d'improvisation musicale dite  "libre" ou "non-idiomatique". Qu'enseigne-t-on dans ces ateliers ou stages? Quels sont les pratiques musicales et les enjeux pédagogiques que soulève une musique improvisée en dehors de tout contexte ésthétique pré-défini?

 

Ce mémoire tente d'apporter des éléments de réponse à ces questionements en s'appuyant principalement sur l'observations d'ateliers d'improvisation libre et d'interviews de professeurs animant de tels ateliers.

 

Différents objectifs pédagogiques et manières d'aborder ces ateliers sont mentionnés. Ensuite, des positions sont prises sur ce qu'il nous semble important de transmettre dans ces ateliers, sur la place et la forme de l'évaluation de l'improvisateur, et sur le rôle du professeur d'improvisation libre.

 

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Table des matières du mémoire:

 

 

Description d'un moment musical improvisé.............................................................................................3

Tentative de définition de l'improvisation libre.........................................................................................4

Présentation des sources..................................................................................................................................6

 

 

I. Improviser, oui, mais comment?

   1. Conditions de l'improvisation libre

      A. Les conditions de la liberté...................................................................................................................9

      B. Tous les sons sont valables.................................................................................................................10

 

   2. L'attitude de l'improvisateur

      A. L'écoute: un comportement essentiel.............................................................................................11

      B. Musique du présent..............................................................................................................................12

      C. L'engagement..........................................................................................................................................13

 

   3. La mise en musique

      A. L'importance de l’expérimentation...................................................................................................15

      B. La précision du geste.............................................................................................................................17

 

   4. Faire de la musique ensemble

      A. La co-construction d'un moment musical improvisé.................................................................19

      B. Musique orale d'une micro-société...................................................................................................20

 

 

II. Différences dans les contextes et les approches

   1. Différences d'objectifs..............................................................................................................................22

      A. Présentations publiques......................................................................................................................22

      B. Apport d'une culture musicale...........................................................................................................23

      C. L'improvisation comme un outil ou comme une fin en soi.....................................................24

 

   2. Différences de public

      A. Public enfant.............................................................................................................................................25

      B. Ateliers d'improvisation libre avec des non-musiciens...............................................................26

 

   3. Différences de fonctionnement

      A. Utilisation d’œuvres extra-musicales: deux approches...............................................................28

      B. Positionnement du professeur............................................................................................................30

      C. Rôle de l'enregistrement........................................................................................................................30

 

III. Positionnements personnels

   1. Les valeurs de l'improvisation libre........................................................................................................32

   2. L'évaluation de l'improvisateur et de l'improvisation......................................................................33

   3. Rôle du professeur d'improvisation libre.............................................................................................35

 

 

Annexe I: Entretien avec Sébastien Beaumont...........................................................................................38

Annexe II: Entretien avec Laurent Fléchier...................................................................................................41

Annexe III: Entretien avec Jean-Charles François........................................................................................51

Annexe IV: Entretien avec Joëlle Léandre......................................................................................................57

Annexe V: Entretien avec Pascal Pariaud......................................................................................................60

Annexe VI: Entretien avec Olivier Py...............................................................................................................67

Annexe VII:Entretien avec Guillaume Roy.....................................................................................................71

Bibliographie...........................................................................................................................................................74

Description d'un moment musical improvisé

Trois musiciens arrivent sur scène. Ils jouent des instruments différents. Ils savent qu'ils vont créer

une musique ensemble mais ne savent du tout ce qu'ils vont jouer. Ils ne se sont pas parlé à propos de ce

qu'ils allaient jouer, ils ne s'en sont même pas préoccupés. Ils se concentrent, écoutent le silence, se

connectent au présent, laissent venir une impulsion sonore. Sans se projeter, ils sont à l'écoute de sons

intérieurs. Se forme une «idée musicale» embryonnaire, qui se définit petit à petit dans la tête et le corps

d'un musicien. Tout d'un coup l'urgence est là: il faut donner corps à ce son. Deux musiciens commencent à

jouer presque en même temps. Deux sons, deux musiques très différentes. Deux discours sont commencés.

Le troisième, qui n'avait pas d'intention précise réagit à ces interventions au bout de quelque secondes. De

ces sons initiaux, les musiciens en sont responsables et ils en ont conscience. Ils sont à l'écoute de ces sons

qui suivent leurs cours. Ils creusent ces sons, les sculptent comme une matière. En même temps ils n'ont

pas forcément de décision à prendre: ils ne font que suivre ce qu'exige la musique, comme s'il y avait une

nécessité inclue dans le son initial qu'il fallait suivre et surtout ne pas lâcher, sous peine de perdre le fil, de

casser la communication entre les musiciens. Petit à petit les trois discours vont former une musique

complexe mais structurée. Chacun prend sa place dans le groupe: un musicien est franchement en avant

tandis que les autres, plus en arrière-plan, n'en sont pas moins essentiels. Les trois musiciens évitent les

relations trop systématiques, trop prévisibles, mais les trois voix sont quand même relativement

interdépendantes car les musiciens sont profondément à l'écoute de ce qui se joue. La musique se précise,

prend un caractère de plus en plus affirmé, elle mûrit et s'affirme. Elle devient intelligible pour Le public et

les musiciens.

Tout d'un coup on sent que la musique prend une autre direction, une des voix change peu à peu de

caractère, prend une place différente dans le groupe, et les autres musiciens se repositionnent. Tout va très

vite. Deux musiciens jouent une musique très différente de ce qu'ils venaient de jouer (avec cependant un

sentiment de continuité indéniable), le troisième a fait évolué sa «matière» musicale sans pour autant la

changer totalement. Un autre équilibre est trouvé, mais il n'est pas statique. Au contraire, la musique se

dirige vers une direction. Les voix sont de plus en plus intriquées les unes dans les autres, on sent la

jubilation des musiciens de jouer ensemble, d'avoir trouvé un terrain de jeu commun. Ils jouent donc, se

provoquent, réagissent ou ne réagissent pas (avec malice?). La jubilation est communicative, le public suit

toutes les relations qui se trament dans la musique et sur la scène entre les musiciens. D'autres bifurcations

seront prises, la musique vivra la vie qu'elle demandait, ira jusqu'au bout et même plus loin de ce

qu'entrevoyaient les musiciens et le public. Puis soudain c'est la fin. On le sent, on sait qu'il n'y en a plus

pour très longtemps. Les musiciens accompagnent donc la musique jusqu'à sa mort «naturelle». Un

silence de quelque secondes suit cette mort du son. Retour au silence initial. Les musiciens refont surface,

une image globale du moment musical se forme dans leur esprit, ils sont un peu exténués d'avoir été

tellement concentrés pendant ces quelque minutes, d'avoir tout donné à cette musique. Ils se

déconnectent du présent qui demande un tel engagement de soi, se délivrent de cette lourde responsabilité

de faire vire la musique. Ils ont le sentiment d'avoir pu réalisé le potentiel de la musique à laquelle ils ont

donné vie. Ils sont heureux, satisfaits.

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